Vient de paraitre : Le pays de jamais
Il est l'auteur le plus titré de la collection : en ce mois de mai, Jérémy Bouquin signe un 4e texte dans l’alcôve des novellas noires, Polaroid. Une histoire douce-amère qui nous installe parmi les forains, le temps d'une transhumance où le petite groupe, errant, va jouer son va-tout.
En couverture, une grande roue. Elle signale que le lecteur rejoint une troupe de forains, donc, embedded comme disent les Américains. Mais au delà des fêtes éphémères et des pommes d'amour, le manège indique qu'avec ce quatrième titre, la boucle est bouclée. Car avec malice, lui qui n'avait rien laissé présager, Jérémy Bouquin retisse un à un les fils égrenés dans les novellas précédentes, articulant sous la forme d'une famille de fortune, ou d’infortune, une cohorte de personnages qui nous avaient émus, l'un après l'autre. Le Sorcier, héros de la novella éponyme, tenancier de cette grande roue, Clochette et Julien, tandem fraternel de Baraque à frites, mais aussi Katia, l'assistance sociale apparue dans Maurice. Ce sera elle, justement, notre double : taraudée par la disparition de son ancien amant, Raphaël, propulsée par une des ironies de la vie, elle s'incruste dans la troupe avec le secret espoir de retrouver la trace de son amour perdu.
L'attelage de guingois vit dans les marges, doublement mis à l'index - du monde et des villages avec en leur centre mairies et églises, qui les repoussent, mais même de la vaste peuplade des nomades sur laquelle un empereur règne en maître, distribuant pour chaque fête les autorisations de s'installer, attribuant le linéaire et les positions stratégiques. Le groupe se met en mouvement en direction de la Grande Foire . Parviendra-t-il à regagner la confiance du Roi des forains ? Clochette, qui a pris la tête des opérations, tient dans sa besace un cadeau de poids...
Jérémy Bouquin a le génie des situations. Il réfute les développements psychologiques, et son écriture elliptique laisse deviner, avec une pudeur infiniment touchante, les tourments de ses personnages, fracassés par la vie. Attaché à une littérature sociale qui seule s'intéresse aux sans-grades, il nous livre un texte irradiant une beauté poignante qui ancre en nous les destinées de Julien, Clochette, Mouche, Jeannot, Katia et tous les autres.
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