Aucune bête : vous ne reprendrez pas votre souffle
La première parution de l'année sera un livre signé Marin Ledun dans la collection polaroid. Haletant et féministe. Ou comment l'écrivain "socio-sensible", qui année après année se taille une place à part dans le polar, nous surprend encore. Sortie le 28 février.
Vera n'est pas toute neuve. Elle serait au milieu de sa vie si elle n'était pas ouvrière. Mais à 45 ans, elle a le corps et l'âme travaillés par les années d'usine, les blagues de cul humiliantes des petits chefs machos, les soucis d'une mère de famille. Sauf que Véra, elle a la hargne. Et ce jour-là, le désir de vengeance au fond des tripes.
Vera court des courses de 24h. Drôle d'épreuve qui aligne sur la ligne de départ hommes et femmes de tous âges, dilettantes bravaches comme professionnels, le vainqueur étant celui qui aura parcouru la plus grande distance au terme de 24h. Combien de tours faudra-t-il faire autour de ce maudit stade ? Un maximum. Sans dormir. Les sportifs peuvent s'arrêter, ralentir, marcher : ils devront aller le plus loin possible.
Ce jour-là, notre héroïne a une revanche à prendre. Suspectée de dopage sur un malentendu, la prometteuse sportive aurait pu envisager une carrière professionnelle si elle n'avait été suspendue pendant 8 ans. Aujourd'hui, elle a purgé sa peine, et va faire face à sa rivale de toujours, l'Espagnole Michèle Colnago, de quelques années sa cadette, entraînée par un coach qui eut pu être le sien si elle n'avait été sanctionnée.
Dans une novella tendue qui nous fait littéralement vivre l'épreuve, le tempo de la lecture calé sur le souffle de Véra, Marin Ledun campe deux magnifiques figures de femme. Les courses de 24h sont des épreuves d'intelligence – tout se joue dans le mental, qui doit être d'acier, et la bataille est autant à livrer contre les autres que contre soi-même. Ces athlètes sont ils enfermés dans l'obsession aveugle de la prouesse sportive ? De quelles chaînes faut-il se défaire pour courir librement ? C'est par une toute autre émancipation que se conclut cette épreuve, une libération bien plus profonde, radicale. Avec un point de vue intensément féministe, Marin dresse le portrait haletant de deux splendides héroïnes et fait du terrain sportif une métaphore sociétale frappante. A lire et à faire lire de toute urgence, pour les femmes comme les hommes.