Rouge sang, rose feu
Elle fait son chemin, Rose. Elle n'était pas née de la dernière pluie. Elle ne finit pas de nous hanter, en dépit de sa course tragique. C'est bien. Il le faut.
Nombreux sont ceux qui l'ont connue depuis l'édition de la novella, en septembre, sous sa couverture Polaroid. Dans quelques temps, les lecteurs allemands pourront noircir leurs yeux dans la violence des relations homme-femme dont Nicolas dresse, précis, les contours. Au printemps, vous pourrez aussi entendre l'écrivain vous lire ce texte, eh oui, de sa voix, puisqu'un livre audio se prépare chez Audiolib.
Relire la présentation du livre :
Son roman Leurs enfants après eux a remporté le Goncourt l'an dernier. Ce n'était que le deuxième livre de Nicolas Mathieu. Son troisième, Rose Royal, sort chez In8.
Un roman épais, massif, que Leurs enfants après eux. 432 pages à travers lesquelles Nicolas Mathieu sonde l'adolescence, sur trois étés, d'Anthony, Hacine, et Stéphanie. Trois jeunes qui appartiennent à des milieux sociaux différents mais rêvent de quitter ce bout de Lorraine effilochée. L'auteur manie à la fois le sens du romanesque – la construction savante de ce gros roman en atteste, insufflant de quoi sauter d'un été à l'autre – et celui de la formule – certain gemme caché au mitan d'une période claquant telle une trouvaille de publicitaire. Surtout, avec une finesse incroyable, il est parvenu à évoquer cet âge équivoque où se percutent le désir brut et la langueur crasse, l'audace et l'atermoiement. A cet âge de brouillage, d'indistinct, où l'on n'est plus soi-même, puisqu'on n'est plus enfant, mais pas encore un autre – pas encore quelqu'un, quel qu'il soit, et ce malgré les déterminismes sociaux, qui continuent de peser comme un âne mort.
Dans Rose Royal, Nicolas Mathieu s'intéresse à un autre âge de la vie, et là encore les eaux sont troubles. Car Rose a la cinquantaine. Elle est jolie. Encore belle, mais déjà plus juvénile. Encore désirante, sans être le perdreau de l'année. Des hommes, elle en a connus, a divorcé, s'est séparée. Mais il lui reste le temps encore de construire quelque chose. Maintenant. Le « bouillon des jours » n'a pas totalement dissout en elle le secret désir du grand amour. Et voilà qu'un soir – dans une scène violente, étrange et mémorable – alors que Rose boit quelques verres au Royal, Luc débarque. A vrai dire, on dirait des ados, ces deux-là. Ils sont un peu gauches, touchants, ils veulent y croire tous les deux. Mais il y a un fait qui dépasse la question de l'âge, la vieillesse du corps, et même l'expérience – nulle sagesse qui puisse nous en garder. Un atavisme, dans la relation, qui a à voir avec la violence masculine. Une terreur, désespérante. Nicolas Mathieu dresse de Rose un portrait émouvant, touchant ; l'issue reste d'une noirceur abyssale, qui fait écho au fait social. Décidément, Nicolas Mathieu n'est ni hors-sol, ni hors-temps.