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"Colère jaune" ou la révolte des invisibles

Jérémy Bouquin nous livre un roman sensible sur une problématique sociale cristallisée dans le mouvement des Gilets jaunes. Un retour sur images d'autant plus nécessaire que si la révolte ne gronde plus, essoufflée puis éclipsée par la crise sanitaire, les racines de la colère sont plus que jamais vigoureuses. Parution mercredi 21 avril.

A l'automne 2018, derrière la bannière des Gilets jaunes, s'agrègent des vies aux trajectoires variables. Travailleurs précaires, parents solo, mères aux parcours professionnels fragmentés, retraités pauvres, indépendants sans filet social, jeunes en rupture d'avenir, anticapitalistes... Ils sont plus ou moins politisés – plutôt moins – et ceux qui ont eu une expérience syndicale sont largement minoritaires.

Jérémy nous brosse le portrait de Sandrine, quadragénaire au corps déjà rompu par la vie – les violences conjugales sont venues enfoncer dans son dos un clou que la débrouille professionnelle fragilisait déjà. La jeune mère qui sent déjà dans ses os le poids des ans élève seule son garçon, un ado attachant, gentil, mais terriblement seul. Ils vivent dans un morceau de France périphérique, cette « campagne » si peu bucolique dans laquelle les hommes sont perpétuellement loin du « centre », les ronds-points qui rythment les départementales n'approchant guère que des zones commerciales. La zone, la zone intégrale. La loose.

Sandrine, soudain, ralliant l'éphémère rendez-vous du rond-point, se découvre presque une famille. Presque, parce que si la situation sociale et géographique est souvent le dénominateur commun des Gilets jaunes, c'est le seul. Au delà, c'est un empilement de détresses individuelles qui, justement, ne s'agrègent pas.

Pour travailler dans le secteur social en Touraine, l'auteur connaît par cœur ces classes moyennes inférieures, ces invisibles qui soudain ont crevé l'écran avec le jaune fluo des gilets inélégants. Derrière ses phrases au scalpel, sans coquetterie lyrique, se révèlent des personnages attachants, terriblement vivants, combatifs et souvent vaincus, et toute la complexité de ce phénomène social dont l'expression s'est tue, alors que le mal-vivre est plus vrai que jamais.

Un magnifique roman social, non pour juger mais pour comprendre – c'est cela, précisément, la force du roman.

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